Samstag, 19. April 2008

The Black War - Chapitre 3

Eris poussa un cri.
Les gardes se précipitèrent dans les appartements d´Athéna pour lui porter secours mais ce qu´ils y virent les prit au dépourvu : il n´y avait ni intrus ni danger. Juste Eris au milieu de la pièce.

Athéna n´était pas portée sur le luxe et sa volonté de partager les mêmes conditions de vie que ses chevaliers était clairement affichée.
Un lit constituait la seule exception à cette règle. En effet, les servantes de la déesse n’avaient pas accédé à l’intégralité de ses requêtes spartiates.
Des poupées et des jouets offerts par différents chevaliers à la déesse lorsque celle-ci était encore une enfant étaient posés sur un coffre.
- « Qu´est-ce que c´est que cette horreur ?! »
Les gardes se retournèrent vers Eris…
- « Majesté ?
- Cette pièce est affreuse ! Ce manque de couleurs, cet espèce de caveau morbide, c´est une infamie ! Faites appeler les décorateurs !
- …
- Vous avez bien des décorateurs au Sanctuaire ?!
- C´est à dire…
- Et bien, créez la fonction. Débrouillez-vous ! Et que ca saute ! »
Les gardes s´empressèrent de quitter la pièce.
Eris poussa un soupir :
- « Athéna. Tu m´auras pourri la vie jusqu´au bout… »

Elle sortit du temple et poussa de nouveau un cri.

***




Les abords du Sanctuaire.

La villa servait de lieu de repos aux chevaliers d´or lors de leurs permissions.
Donner du Capricorne était assis sur l’une des douze chaises qui entouraient une grande table ronde. »
Il regardait le siège qui recevait traditionnellement le chevalier du Scorpion tout en caressant sa barbe.
Jean de la Vierge fit son entrée :
- « Je sais que le chevalier de la huitième maison et toi étiez amis. Je suis désolé de n´avoir pu te présenter mes condoléances plus tôt. »
Donner baissa les yeux :
- « Le plus triste, c´est que son corps est tombé dans un des précipices menant au monde des morts. Je ne peux même pas lui offrir la sépulture à laquelle il a droit. Je te remercie pour ton attention, Jean, mais je ne crois pas que ce soit la raison pour laquelle nous nous réunissons aujourd´hui…
- Victor du Bélier n´est pas là ?
- Non. J´ai essayé de le faire venir mais il n´a rien voulu savoir. »
Le Chevalier de la Vierge ne put cacher son irritation :
- « Nous sommes des chevaliers d´Or. Tous les chevaliers de Bronze et d´Argent sont dans l´attente de notre réaction aux événements de ce matin. Comment allons-nous préserver l´intégrité du Sanctuaire si nous ne montrons pas un visage uni ?
- Jason n´est plus le même depuis la guerre sainte. Il ne viendra pas. C´est à nous deux de décider si nous devons suivre le Pope… Ou le tuer avant de nous en prendre à Eris. »
Le visage de Jean traduisit sa stupeur. Donner continua:
- « L´impossible s´est produit : Athéna ne reviendra pas avant 250 ans, Eris est la maitresse du Sanctuaire et un chevalier de bronze a été nommé grand Pope. Il nous faut clarifier notre position avant que le doute ne gagne les troupes. Demain, il sera trop tard. »
- Et quelle est ta position ?
- Le Pope a été nommé par Athéna et Eris occupe légitimement la tête du Sanctuaire, adoubée par ce même Pope et l´armure de la Déesse. »
Jean se rapprocha :
- « Tu viens pourtant de parler de les assassiner.
- Attaquer Eris maintenant serait du suicide. Le moral est au plus bas et la majorité des armures est détruite. Dans l´immédiat, une rébellion serait vouée à l´échec ».
Jean soupira :
- « Je reconnais que même si la décision du Pope m´a surpris, elle est tactiquement la meilleure. Avoir Eris à nos côtés, c´est au moins ne pas l´avoir contre nous. Remettons au plus vite la chevalerie sur pied afin d´être prêt en cas de nouvelle mauvaise surprise. J´ai toujours été fidèle à Athéna. Je respecterai le jugement de son armure et suivrai sans rechigner le Pope qu´elle a nommé. »
Donner se leva :
- « Qu´il en soit ainsi : Les chevaliers d´Or suivront le Pope et Eris. Je ferai parvenir la nouvelle aux chevaliers de Bronze et d´Argent… »
Jean s´approcha de la fenêtre :
- « Si seulement nous étions plus nombreux… »
- « Justement. Un apprenti vient de postuler à la dernière armure d´Argent encore libre. Celle de la Flèche. »

***


Le parvis du palais du Pope.

Le groupe d’hommes était des plus hétéroclites : Torses nus pour les uns, tenues chatoyantes – voire même des robes – pour les autres.
Eris poussa un soupir de dégoût en voyant que la couleur de peau de certains d’entre eux était sombre.
De tels traits lui rappelaient ce qu´elle considérait comme une tare même chez ses divins pairs.
Les humains s´agenouillèrent aux pieds de la Déesse.
La satisfaction d´Eris disparut lorsqu´elle comprit qu´ils la prenaient pour Athéna.
Elle quitta le parvis sans même les saluer.


***


Sud-est de la France.

La jeune albinos regarda Alistair :
- « Je n´ai vu que ton père sur votre domaine. Ou était donc ta mère ?
- Elle est morte à ma naissance. Je ne l´ai jamais connue. Mon père est mon seul parent proche.
- Tu sembles lui vouer une grande admiration.
- Oui. C´est un homme qui croit depuis toujours en notre Déesse. Il a su faire de notre maison une grande famille reconnue à la fois dans le pays et dans notre culte. Il est la personne à qui je tiens le plus.
- Mmh. Je croyais que l´amour n´était pas une notion très cotée dans la chevalerie noire. Me serais-je trompée ?
- Il y a plusieurs types d´amour. Et si l´un d’entre eux trouve grâce aux yeux de notre Déesse, c´est bien l´amour filial. »
Elrika ne répondit pas.

Un groupe d´hommes en guenilles fit son apparition au beau milieu de la route.
- « Eh vous deux ! Donnez-nous vos biens et on vous épargnera ! »
Alistair jaugea les assaillants du regard :
- « Je vois que la famine prend des proportions toujours plus grandes… Messieurs, je comprends votre volonté de vous nourrir, vous et vos familles, mais à votre place, je rebrousserais chemin… »
Les brigands se jetèrent sur les deux cavaliers.
Elrika s´envola littéralement de sa monture et réapparut derrière le groupe d´d’assaillants. Alistair fit un mouvement du bras et une bonne moitié des têtes misérables se détachèrent de leurs corps en volant dans les airs.
Les hurlements qu´il entendit alors le firent se retourner.
Les autres voleurs gisaient sur le sol, les entrailles à l´air , toujours vivants.
Leurs yeux brillaient d´une lueur similaire à celle qu´émettaient ceux d´Elrika.
- « Tu les tortures ? »
Elle ne répondit pas.
Alistair leva à nouveau son bras et décapita les pauvres hères :
- « Elrika… Pourquoi faire une chose pareille ?
- Je suis ton égale, pas ta subordonnée. Je te répondrai le jour où j´en aurai envie. »
Elle se remit en selle , au moment où Alistair utilisait son cosmos pour creuser de larges fosses dans les bas-côtés.
- « Tu les enterres ? Tu es un bien étrange garçon »
Elle repartit en chemin, sans l´attendre.
- « Et toi une bien étrange dame …»


***





L´Italie.

L´assassin s´installa dans sa chambre et tendit la main : une flamme y apparut.
- « J´avoue être plutôt satisfait de mes progrès, dernièrement. »
Une douleur le saisit à la poitrine et la flamme disparut aussitôt.
Il se tourna vers le miroir et, écartant sa tunique, il observa les stigmates de la brûlure qui lui barrait le torse.
C´était un nom écrit en grec ancien :
- « Athéna… »
***





Une auberge aux alentours de Marseille.

Alistair et Elrika louèrent deux chambres pour la nuit avant de s’installer à table pour le repas du soir.
Un voyageur éreinté pénétra dans la pièce, son visage s´illuminant soudain lorsqu´il aperçut Alistair :
- « Maitre Alistair !
- Clément ? »
- Qui est ce jeune garçon ? » Demanda Elrika.
- « C´est un de nos serviteurs. Que fais-tu ici? Et regarde dans quel état tu es !
- Je n´avais pas le choix, Maître. Il fallait que je vous fasse parvenir la nouvelle. »
Elrika, désintéressée par la conversation, se leva pour aller commander une chope de bière auprès de l’aubergiste.
- « De quoi parles-tu donc ?
- C´est votre père… Il est mort ! »
Le sang d´Alistair se figea.
- « Ca s´est passé deux jours après votre départ. J´avais quitté le domaine pour négocier une commande passée auprès du charpentier du village. C´est sur le chemin du retour que j´ai vu le manoir en flammes. La majorité des occupants avait réussi à sortir. J´ai alors levé les yeux vers la tour de votre Père et je l´ai vu à la fenêtre. Il savait qu’il était condamné… je l’ai lu sur son visage. Il s´est retourné et a disparu à l´intérieur. Peu après, la tour s´est effondrée.»
Le regard d´Alistair s´embua.
Elrika se rassit à la table et le regarda. Elle avait compris.
Le serviteur se reprit :
- « J´ai regardé autour de moi afin de faire le décompte des survivants. Et c´est là que je les ai vus. Ils étaient cachés à la lisière de la forêt mais j´ai reconnu leurs couleurs. Une troupe de templiers liés à l´inquisiteur. »
Alistair se leva :
- « Alors ça n´était pas un accident. Je vais partir à leur recherche et les abattre comme des chiens ! »
Elrika intervint :
- « Tu n´en feras rien. »
Alistair la fixa d´un regard glacial.
- « Ton père lui-même t´a demandé de te consacrer à notre ordre. Partir le venger ne le ramènera pas. Je comprends ta peine, mais notre Déesse est la seule personne qui compte désormais. Elle se bat contre les valeurs qui animent ceux qui ont tué ton père. L’aider à accomplir son plan est le meilleur moyen de le venger. »
Alistair la regarda quelques instants avant de fermer les yeux.
- « Tu as raison. »
Il tendit une bourse à son ancien serviteur.
- « Prends cet argent et choisis toi un nouveau maître. Là où nous allons, nous n´en n’aurons pas besoin. »


***



Le mont étoilé.


La main d’Austrinus tremblait depuis qu´il avait goûté à la colère d´Eris.
Son corps reflétait sa nervosité et il s´était retiré en ce lieu où seul le Pope avait le droit de se rendre.
Eris semblait tout aussi dépitée de sa nomination à la tête du Sanctuaire que lui, aussi cela lui laissait du temps pour se familiariser avec sa nouvelle fonction.
- « Alors ? »
Austrinus se retourna : la déesse venait de pénétrer dans la minuscule bibliothèque.
Autant pour l´isolement.
- « Vous n´êtes pas dans vos appartements ? Je croyais que vous vouliez vous y reposer.
- Ca sera possible après quelques aménagements. Et toi, que fais-tu ici ?
- Ce lieu est le plus proche des cieux. Il permet au Pope de lire les étoiles pour y prédire l´avenir et se préparer en conséquence.
- Lire l´avenir ? »
Le Pope se tourna vers les manuscrits qu´il venait d´étudier:
- « Oui. Les diamètres et la position de certaines étoiles changent et à chaque cas de figure correspond une prédiction. »
Eris le regarda comme si elle avait un enfant sous les yeux :
- « On ne peut pas lire l´avenir. Et un corps céleste ne peut changer de diamètre ou changer de place sur une telle distance sans l´influence directe d´un cosmos divin. Pour qu´un tel phénomène soit visible de la Terre, ce même corps céleste, situé à des millions d´années-lumière, devrait multiplier son volume ou se déplacer dans des proportions invraisemblables. C´est physiquement impossible. »
Austrinus fit une moue perplexe.
- « Ne me dis pas que vous croyez encore que c´est le soleil qui tourne autour de la Terre ?!… »
Austrinus voulut répondre que si. Qu´il suffisait de lever les yeux vers le ciel pour s´en convaincre, mais quelque chose lui souffla qu´il risquait de subir la même déconvenue que la veille s´il se risquait à contredire sa supérieure hiérarchique.
Eris soupira :
- « L´humanité en est encore là ? »
Elle continua :
- « Quand Athéna se désincarne, son essence reste sur Terre. Elle n´est concentrée à aucun endroit particulier. Elle est partout autour de nous. Cela lui permet de maintenir ses sceaux en place le plus longtemps possible tout en surveillant la planète afin de se réincarner à temps lors de l´affaiblissement de l´un d´entre eux. »
Eris se dirigea vers une bibliothèque garnie de grimoires.
- « Le mont étoilé est le lieu qu´Athéna utilise pour faire passer des messages à ses popes. Son état désincarné empêche un contact direct. Mais elle peut modifier de façon grossière l´apparence des étoiles en ce lieu. Si elle sent quelque chose d´anormal, elle modifie l´apparence de la voûte céleste au droit du mont étoilé selon des schémas qui correspondent à des messages qu´elle a déjà couché sur papier. »
Il était évident que le Pope n´avait pas tout compris.
Eris soupira et retira un grimoire de l’une des étagères pour le poser devant le Pope.

- « Regarde la voûte céleste, repère le dessin qui y correspond et lis-moi ce qui est écrit sous ce même dessin… »
Austrinus s´exécuta :
- « Une Déesse d´obscurité se lèvera sur la Terre et la recouvrira de son ombre. Guerres, maladies et détresse seront le lot de l´humanité. »
Eris sourit :
- «C´est toujours appréciable d´entendre parler de soi ainsi. Merci Grand Pope. Tu viens de sauver ma journée. »
Le Pope continuait à fixer la prophétie d´Athéna.
- « Maintenant que tu sais ce que je prépare pour ta misérable planète, me suivras-tu dans l´exécution de mon plan ou bien te rebelleras-tu ? »
Austrinus demeura longuement silencieux. Puis, il posa son casque sur sa tête avant de s´agenouiller devant Eris.
- « Vous êtes la maitresse légitime du Sanctuaire. Je vous assisterai sans faillir. »
Eris partit dans un rire dément :
- « Je te promets de ne pas rayer entièrement ton espèce de la surface de la planète. J´en laisserai survivre quelques uns à l’hécatombe… histoire de remettre ça à l’occasion. »



***



Parvis du temple du Bélier. Plus tard dans la nuit.

Quatre guerriers, dont l’identité était dissimulée sous d’amples tuniques sombres, se présentèrent devant la maison du Bélier.
Ils y pénétrèrent en courant mais l´absence d´éclairage les força à ralentir le rythme
- « Eris est restée sur le Mont Etoilé. Quant au grand Pope, il vient d’en redescendre. Une semaine de repos a été décrétée : aucun chevalier d´or n´est de permanence dans sa demeure. Nous ne devrions avoir aucune difficulté à atteindre le palais du Pope afin de l´assassiner… »
Le chef du groupe marcha bruyamment sur une assiette posée par terre. Un mouvement indistinct devant eux les figea.
Une forme sombre se tenait dans l´obscurité. Deux cornes gigantesques en dépassaient.
- « C´est le chevalier d´or du Bélier !
- Qu´est-ce qu´il fait ici ? »
La silhouette respirait de façon régulière.
- « Il dort… à même le sol ?
- Contournons-le… »
A peine le premier d´entre eux avait-il dépassé le chevalier du Bélier que ce dernier bondit sur lui pour le projeter contre un mur de son temple. Deux des indésirables voulurent aider leur compagnon mais ils subirent le même sort. Quant au leader du groupe, il tenta bien de fuir mais le gardien de la première maison le plaqua contre la dure paroi à l´aide de ses gigantesques mains.
Le chevalier du Bélier cogna son front contre celui de l´intrus dans un long grognement.
- « Pitié, chevalier d´Or ! Pitié ! » Les trois autres se relevaient déjà et couraient hors du temple.
Le Bélier laissa choir le leader qui détala sans demander son reste.
Victor resta à guetter quelques minutes puis retourna se coucher. Sans avoir prononcé un seul mot.


***

Les appartements du Pope.

Austrinus contemplait son reflet dans le miroir.
Son asservissement à Eris aurait des conséquences terribles pour le monde.
Mais cela ne serait rien comparé à ce qu´il devrait subir.
Les larmes ne coulèrent pourtant pas.
Il baissa les yeux vers sa main : Elle ne tremblait plus.

The Black War - Chapitre 2


Milan, Italie.

L´architecte regarda le chantier.
Il n´y avait qu´un gigantesque trou dans le sol où s´affairaient une centaine d´ouvriers, mais lui pouvait déjà imaginer la magnifique Cathédrale qui s´y dresserait dans quelques années.
C´était un travail long et lourd de responsabilités, mais il s’agissait surtout de la consécration de sa longue carrière.
Il bénissait chaque jour de travail et rien n’aurait pu faire retomber son enthousiasme.

Du moins le croyait t´il.

Un cri retentit depuis le fond des fondations et une poignée d´ouvriers en sortit en hurlant de terreur.
Aucun n´était blessé mais leurs yeux laissaient transparaître une peur irraisonnée.
Ils refusèrent de décrire ce qu’ils avaient vu, et les démissions s’enchaînèrent en cascade, malgré un travail pourtant fièrement décroché.

L´architecte descendit en compagnie de quelques hommes armés de pelles, au cas où des voleurs se seraient introduits dans le chantier.
Arrivés dans la partie la plus profonde, ils trouvèrent l´origine du trouble.

L´objet était difficilement perceptible dans la pénombre, mais une fois qu´on l´avait remarqué, il était impossible de le quitter des yeux.
Il s´agissait d´un coffre aux décorations finement ciselées.
L´architecte ne comprit pas en quoi un objet aussi beau avait pu éveiller une telle terreur.
Il retourna l´objet et posa les yeux sur la face avant de l´objet.
Son sang se glaça et il fut lui aussi épouvanté par ce qu´il avait sous les yeux.
L´homme situé derrière lui résuma ce que tous avaient en tête :
« Le signe du Diable ! »




***



Le Sanctuaire, La salle du trône.

Eris avait sans cesse étranglé Athéna dans ses rêves et était constamment revenue à la vie dans ce but.
Mais cette dernière avait succombé à ses blessures et ce couard de Pope avait préféré ne pas livrer une bataille perdue d´avance.
Ayant pris possession des quartiers d´Athéna et laissé l´armure au pied de la Statue (Eris devenait furieuse rien qu´à l’idée de son contact sur sa peau !) elle essaya de se calmer tandis que le nouveau Pope se tenait immobile à ses cotés, le visage caché derrière son masque.

« Et comment devrai-je t´appeler ? »
« Je n´ai plus de nom désormais. Grand Pope suffira, votre majesté. »
« J´ai vu Athéna te remettre quelque chose avant de disparaître. Montre-moi cela. »
« Je ne vois pas de quoi vous parlez, majesté ! » répondit´il en serrant la bourse de velours dans sa main droite.
« Ne me prends pas pour une idiote : Athéna est plus futée qu´elle en a l´air. Si elle a fait l´effort de te remettre quelque chose avant son départ, c´est que cela est important. »
Ne pouvant cacher le dernier cadeau d´Athéna, le pope tendit le bras.
Eris s´empara de la bourse.
Celle-ci était d´une douceur extraordinaire et les magnifiques décorations qui l´ornaient attestaient de son origine divine.
Tous deux retinrent leur souffle lorsqu´Eris retourna la bourse pour en faire tomber le contenu dans sa paume.
« Une graine ? Une graine !!! Tout cela pour une simple graine ?!!! »
« Les voies d´Athéna… sont impénétrables » répondit le Pope sur un ton qui ne pût cacher sa propre déception.
Eris reprit : « C´est une ruse, il ne peut s´agir d´une graine classique. C´est encore un coup retors d´Athéna ! »
Excédée, elle commença à entamer la graine avec ses ongles, espérant trouver à l´intérieur la réponse au dernier don de son ennemie.
Mais la graine éventrée ne montrait rien d´anormal...
Eris la sonda à l´aide de ses sens divins, allant jusqu´au niveau subatomique.
« Cette graine ne se distingue en rien d´une autre. » finit-t´elle par lâcher.
Elle se retourna vers le Pope :
« Arrête cette mascarade et explique-moi ce que trame Athéna »
« Il est possible qu Athéna, affaiblie comme elle l´était, n´ait pas pu y enfermer le charme qu´elle souhaitait… » Répondit le Pope
Eris le fixa.
L´impatience avait fait place à la froideur la plus absolue.
« Enlève ce masque. Que tu puisses me cacher ton visage m´indispose. »
« Ma fonction m´y oblige. Le masque symbo… »
L´explosion de cosmos fit voltiger le Pope à travers la pièce.
Démasqué par le coup d´Eris, il retomba lourdement.
Austrinus voulut se relever mais le pied de la déesse sur son cou le maintint au sol.
Eris posa les yeux sur son visage et ne put cacher sa surprise.
Ce n´était pas le premier chevalier de bronze qu´elle tenait ainsi en son pouvoir. Mais les regards de ceux qu´elle avait affrontés auparavant l´avaient toujours maudite avant de s´éteindre sous ses coups.
Les yeux du chevalier du poisson austral trahissaient autre chose…
L´humain était sincère… et terrifié.

Eris s´écarta :
« Je comprends maintenant pourquoi ce masque est obligatoire.
Aucun soldat ne suivrait un chef dont le regard ne trahit que peur et désespoir…
Hors de ma vue !»
Austrinus se retira dans ses appartements.

Eris tira sur une corde et un garde entra dans la salle.
Elle lui jeta la bourse au visage.
« Débarrasse-moi de cela. »
« Et de quelle fa… »
« Dispose-en à ta guise et fiche-moi la paix ! »
Le jeune Niklos ne demanda pas son reste et sortit précipitamment de la salle du trône. Il se tourna vers son collègue afin de lui montrer son butin, mais l´autre ne lui en laissa pas le temps :
« Le chef de la garde t´attend pour discuter de ta journée de demain. A ta place je ne le ferai pas attendre »
Sur le chemin Niklos examina la bourse : un si bel objet lui rapporterait une bonne petite somme.
Ca ne fut qu´aux abords du Sanctuaire qu´il s’aperçut qu´elle contenait une graine en piètre état.
Il regarda autour de lui et sut immédiatement comment s´en débarrasser.

***






Italie. Sur la route de Rome.

« Capitaine ? »
« Oui, Antonio ? »
« C´est vrai ce qu´on dit ? »
« Quoi donc ? »
« Ben que ce qu´on escorte aujourd´hui… Que c´est un objet maudit ? »
« … »
« Un coffre qui appartient au diable… »
« Ecoutez Antonio, reprenez-vous ! Ce n´est pas la première fois que nous devons veiller sur un objet dont nous ne savons rien. Et à chaque fois vous tremblez à l´idée d´une embuscade !
Nous sommes une troupe de 30 soldats et 20 cavaliers.
A moins qu´on ne nous envoie une armée, rien ni personne ne peut nous inquiéter. »
« Certes, Capitaine, mais… il y a une différence entre des documents secrets, de grosses sommes d´argent, des personnalités de premier ordre et un objet maudit ! »
« Votre attitude peureuse déshonore l´armée et votre rang. Ce ne sont que des racontars
Alors arrêtez de poser des questions et pensez aux jeunes damoiselles avec qui nous irons nous saouler à Rome.
Nous ne finirons surement pas aujourd´hui dans les flammes de l´en… »

Les boules de feux surgirent de nulle part et frappèrent les chevaux en premier.
Fous de terreur, ils désarçonnèrent leurs cavaliers et s´enfuirent dans la foulée.
Les soldats sortaient leurs armes au moment même où une langue de feu apparut et forma un cercle autour d´eux.
Un homme atterrit au milieu et enflamma les templiers les un après les autres.
Antonio ne parvenait pas à retrouver son Capitaine. Mais quand il trouva son cadavre calciné, il comprit que la fin était proche. Il était le seul survivant et voulut pleurer. Mais la chaleur séchait ses larmes avant même qu´elles ne se forment.
Il inspira un grand coup l´air vicié par l´odeur des hommes carbonisés et se retourna pour faire face au malin. Ce qu´il aperçut fut encore plus étrange.
Un simple jeune homme traversa les flammes jusqu´à lui sans subir le moindre dommage.
Antonio ne vit pas venir le poing qui lui transperça le cœur.
Sa dernière pensée fut que si son assassin n´était pas le diable, il en avait bel et bien le regard…

***





La texture qui décorait le sol était singulière. Comme des écailles.
Un choc dû à de gigantesques foulées fit trembler les écailles… en réalité des insectes grouillant de toutes parts. Ceux-ci s´enfuirent dans l´ombre. Deux monstres aux contours indéfinis se firent face. Tout comme les insectes auparavant, il était difficile de les décrire. Ce qui dominait était surtout le sentiment de malaise et de peur qu´ils généraient tous deux. Ils entamèrent le combat et les blessures ne tardèrent pas, toujours plus conséquentes. Bien qu´ils semblaient tous deux faits de ténèbres, leur sang était bien réel.
La joute continua jusqu´à ce que les deux entités ne s’effondrent au sol, épuisées et incapables du moindre mouvement.
Les insectes se rapprochèrent alors. Constatant que les deux monstres étaient trop faibles pour bouger, ils plantèrent leurs crocs dans la chair encore palpitante et entreprirent de dévorer les gigantesques êtres dans une cacophonie discordante.

Austrinus se réveilla et alla vomir dans la salle d´eau.
Il vit son visage blême dans le miroir.
Celui qui avait fièrement combattu les troupes d´Hadès et fait honneur à son titre de chevalier en abattant cinq spectres à lui tout seul n´était plus que l´ombre de lui-même.
Même le sommeil ne lui apportait pas le moindre réconfort.
Qu´avait donc Athéna en tête lorsqu´elle le nomma Pope ?
Jean de la Vierge ou Donner du Capricorne avaient bien plus le profil que lui.
Comment devait-t´il diriger le Sanctuaire alors que sa supérieure incarnait tout ce que ses pairs et lui avaient toujours combattu ?
Seul dans son appartement, Austrinus s´autorisa ce qu´il ne s´était jamais permis durant toute la guerre Sainte : il se mit à pleurer.

***





Italie.

La taverne était suffisamment éloignée du lieu de l´embuscade pour qu´on ne l’y recherche pas.
L´assassin avait accepté d´attaquer la compagnie de cavaliers sans hésiter.
La somme qu´il avait reçue de son commanditaire était plus que coquette et il s´était empressé de prendre ce travail.
Curieux de voir ce qui pouvait valoir une telle somme, il avait discrètement forcé le coffre de bois pour en observer le contenu.
Et ce qu´il avait aperçu ne laissait pas de l´étonner.
Il en avait déjà entendu parler, mais il n´aurait jamais pensé en voir un jour.
Un tel objet n´était pas utilisable par tous et il se demandait ce que son commanditaire allait bien pouvoir en faire.
Ce dernier franchit justement la porte de la taverne, commanda rapidement une bière et vint s´assoir face a l´assassin.
« Vous avez récupéré l´objet ? »
« Bien sûr. Si je suis aussi cher, c´est justement parce que je n´échoue jamais. »
« Très bien ! Voila la deuxième partie de la somme » dit le commanditaire
L´assassin s´empara de la bourse et y jeta un bref coup d´œil.
« Je ne recompte pas. Vous savez que vous subiriez le même sort que l´escorte si vous me rouliez. »
« Alors nous en avons fini tous les deux. »
Le commanditaire ramassa le coffre et quitta la taverne, laissant l´assassin seul avec ses pensées.
Il y avait de cela quelques années, ce jour aurait été le début d´une palpitante aventure. Lui et ses deux compagnons de route auraient enquêté et mis à jour le danger qui venait de pointer sous ses yeux.
Mais ces temps-là étaient finis.
Tous les trois avaient été bannis et depuis ils n´avaient nulle part où aller. Ni maître ni cause à servir.
Rien d´autre à faire que d´utiliser leurs talents pour tuer et gagner facilement de l´argent au prix de vies humaines.
Quant aux deux autres, maintenant qu´il y pensait, pourquoi ne pas les retrouver et leur raconter ce qu’il avait vu ?
Cela n´allait rien changer à leurs vies, mais cela faisait au moins une bonne excuse pour aller parler du bon vieux temps avec eux.
« Le bon vieux temps. Parler ainsi quand on à peine vingt ans… » Se dit´il à lui-même.


***




France, Région du Gévaudan, Comté de Vorangias

Le jeune Alistair Vorangias, membre de la famille la plus influente de la région, avançait d’un pas fébrile.
Les derniers mois avaient été difficiles.
Pas financièrement mais politiquement.
L´inquisition était venue enquêter suite à des disparitions répétées de jeunes gens dans la région. Et son regard s´était naturellement tourné vers le Comté de Vorangias.
A raison. Les exactions de sa famille avait toujours été commises de façon à ne pas éveiller les soupçons, mais l´Inquisition ne raisonnait pas logiquement, et dans sa manie de soupçonner tout le monde, elle n´avait pas été bien loin de trouver le pot aux roses.
En mission pour son père dans la ville voisine, Alistair avait reçu une lettre de ce dernier qui lui demandait de revenir au château : les accusations avaient été classées sans suite et l´inquisition venait de se retirer.
Et pourtant c´était une autre raison qui provoquait à la fois nervosité et enthousiasme chez Alistair.
Sa famille avait des projets qui dépassaient de très loin le cadre de leur habituel domaine d´influence…

Il entra dans le bureau de son père et referma la porte à double tour.
Personne ne pouvait plus entendre ni voir ce qui s´y tramait.

La plus grande partie de la pièce était plongée dans la pénombre, mais Alistair voyait clairement son père verser du vin dans deux verres.
Ce dernier savait pertinemment qu´Alistair ne buvait pas d´alcool. Il y avait bien un événement important à fêter.

« Merci d´être venu aussi vite, fils. » dit´il en lui donnant un verre.
« Je crois que vous avez quelques nouvelles à me donner, père ? »
« L´inquisition est partie ce matin. Nous avons enfin réussi à nous en débarrasser ! »
J´ai fait porter le chapeau à un dément du village voisin. Nous avons placé quelques cadavres dans son grenier et ordonné d´arrêter les rites et les enlèvements pour quelques temps »
« Et l´inquisition a tout avalé d´un bloc ? »
« Et comment qu´ils ont gobé ! Ce pauvre fou incapable de la moindre phrase poussait des cris toujours plus forts à chaque nouvelle accusation. Nous avons fait mutiler les cadavres si abominablement que les jurés ont été incapables du moindre doute! Apres des mois à chercher sans succès les disparus, l´inquisiteur donnait l´impression d´avoir trouvé le Saint Graal ! Il est déjà en route avec son prisonnier et doit imaginer son arrivée triomphale à Rome.
Non seulement ils n´ont pas pu prouver que nous y étions liés mais nous sommes définitivement disculpés.
Tant mieux ! Rien ne m´aurait plus révulsé que d´être accusé de satanisme ! »
Il marqua une pause.
« Les imbéciles. Le Dieu unique et le Diable n´existent pas. Les hommes mettent le malin sur tout ce qu´ils ne comprennent pas et notre culte n´échappe malheureusement pas à la règle. »
« Violence, mort, sexe et sang ne sont pas forcément synonymes de Satanisme. Et notre culte existe depuis bien plus longtemps que ceux qui ont cours aujourd´hui ! »

« Père, je me réjouis de voir notre famille débarrassée de ce danger, mais j´imagine que ce n’est pas cette seule nouvelle qui justifie que vous me fassiez revenir si promptement chez nous. »
Le Comte de Vorangias regarda son fils en souriant mais n´ouvrit pas la bouche.

« Elle est revenue parmi nous »
La voix était dure mais ne pouvait cacher un charmant accent italien.
Alistair se retourna et vit une magnifique jeune femme qui l´observait dans l´obscurité.
La froideur de son regard était aussi grande que sa beauté.
C´était une albinos et ainsi cachée dans l´ombre, elle donnait l´impression d´être un fantôme.
Elle lui prit le verre des mains et continua :
« La Déesse est sortie de son sommeil, mais elle n´est pas encore en possession de tous ses moyens.
Nous devons aller à elle et la protéger de toute influence extérieure jusqu´à son réveil complet »
Alistair se reprit : « Et vous êtes ? »
« Je suis Elrika, la fille du Comte Giovanni. Je viens de Milan. »
« Il y a de cela quelques jours, le coffre ici présent est remonté à la surface par la volonté de notre Déesse » continua t´elle en désignant l´objet à ses pieds.
Il est réapparu sous les fondations d’une cathédrale, aussi l´Eglise s’en est emparé tout de suite et l’a envoyé sous escorte vers le Saint-Siège afin de s´en débarrasser à jamais. Mon père dut engager un assassin pour le voler et nous le remettre en toute discrétion. »

« Depuis j´en suis l´heureuse propriétaire » acheva-t-elle en tirant sur le voile.
Alistair posa son regard sur la face avant du coffre.
« Je comprends l´effroi de l´Eglise. Trouver un coffre noir recouvert d´une tête de bouc dans les fondations de l’un de leurs lieux saints ne peut qu´affoler dans cette époque de superstitions effrénées »
« Mais vous et moi savons qu´il ne s´agit nullement d´un bouc, mais d´un bélier …»

« Père, c’est donc pour cela que vous m´avez rappelé ? »dit Alistair en s´agenouillant.
« Accompagner et servir un chevalier d´or noir est un immense honneur. Vous pouvez me faire confiance. »
Le Comte s´approcha du meuble situé derrière son bureau et en ouvrit doucement les battants.
« Non mon fils, tu accompagneras bel et bien Dame Elrika. Mais en tant qu´égal. »
Alistair ne pouvait détacher son regard du coffre que tenait son père.
Il était identique au premier, à l´exception du Symbole frontal.
Une balance noire.

The Black War - Chapitre 1

L´an 1349.

Le groupe de guerriers marchait d´un pas lent et fatigué.
Tous avaient l´allure de soldats revenant d´une guerre livrée dans une contrée éloignée et gagnée au prix de mille souffrances et sacrifices.
Et c´était le cas.
La caravane s´arrêta devant les portes du Sanctuaire d´Athéna.
Enfin chez nous ! déclara le chevalier de Bronze de la Couronne Australe.
« Amenons Athéna à son temple le plus vite possible. » répondit le chevalier d´or de la Vierge.
« Non. » Répondit une femme dans le carrosse principal.
« Nous allons au cimetière. »
Tous les chevaliers présents blêmirent.

Le jeune chevalier de bronze du Poisson Austral s´approcha des rideaux du carrosse.
Visiblement gêné d´aller a l´encontre des ordres de sa supérieure, il passa sa main dans ses cheveux bouclés et se lança :
« Votre majesté… Nous pouvons enterrer nos compagnons par nous-mêmes. »
« Reposez-vous donc dans votre temple. Avec de bons soins et du repos, vous serez bientôt de nouveau sur pieds. »

« Non Austrinus. Ma décision est prise. Nous allons tous au cimetière. »

La voix de la déesse était si faible que les chevaliers pâlirent encore plus.

***
La caravane s´arrêta devant un parterre recouvert de fleurs multicolores d´ou émergeait de petites stèles portant chacune le nom d´un chevalier mort au combat depuis la nuit des temps.
Les tombes s´étalaient à perte de vue.

Le soleil était au zénith et faisant chatoyer encore plus les couleurs environnantes.
Ce spectacle redonna le sourire aux survivants.

Mais il disparut de leur visage lorsque la déesse sortit de sa voiture, soutenue par deux hommes.
Le premier ressemblait à un ange. Ses courts cheveux blonds brillaient sous l´intense lumière et pourtant ce n´était rien en comparaison d´un regard si perçant que peu de ses pairs pouvait le soutenir.
L´homme était presque trop beau pour être vrai.
Le deuxième était l´image même du guerrier accompli. Si ses cheveux roux lui donnait un air amical, sa tunique cachait difficilement un corps musclé et puissant.
Ils portaient respectivement l´armure de la Vierge et du Capricorne.

Le bandage qui serrait la poitrine de la déesse était imbibé de sang. Il avait régulièrement été changé depuis la Chine, mais la blessure ne s´était jamais refermée.
Athéna repoussa ses deux serviteurs et se plaça au centre du champ.

« Il est temps… pour moi de partir. »

« J´aurais aimé rester plus longtemps mais la blessure infligée par l´épée d´Hadès ne me laisse pas de répit. Si je meurs dans ce corps humain, il me sera impossible de me réincarner lors du prochain retour du dieu des Enfers».

« Il me faut donc me désincarner et tomber dans un sommeil réparateur le plus tôt possible. »

Sa peau était blafarde et nombre de ses longs cheveux châtains avaient en grande partie viré au blanc.
Athéna n´avait plus de divin que le titre : la jeune femme était aux portes de la mort.

« Je vais nommer un nouveau Pope pour vous diriger. Un homme en qui je place toute ma confiance et auquel il faudra vous soumettre de tous vos corps et de toutes vos âmes. »

« Ses mots seront mes mots, ses décisions seront les miennes. »

Tous savaient ce qui allait suivre.
Un nouveau Pope allait être choisi parmi les chevaliers d´or, étendant le respect et l´autorité de son rang à tout le Sanctuaire.
Deux des trois chevaliers d´or s´approchèrent et s´agenouillèrent devant Athéna.

Le troisième, Victor du Bélier, ne réagit même pas. Il ne prêtait visiblement aucune attention à son entourage.
Certains des chevaliers présents s´agacèrent de le voir mépriser aussi ouvertement le protocole.
Mais une fois les yeux posés sur son visage, tous comprirent l´inutilité d´une remarque.

« Promettez-vous d´obéir au futur Pope comme à moi-même ? Le soutiendrez-vous dans toutes les conditions, même et surtout les plus désespérées ? »

La petite foule répondit comme un seul homme : « Nous le promettons ! Pour la justice et la paix sur terre, nous en faisons le serment!!! »

Athéna eût un sourire comme ils n´en avaient pas vu depuis trop longtemps.
Ce sourire disparut lorsqu´elle prit le casque du Pope tué lors de la guerre sainte : Un trou sur son côté trahissait la cause du décès de son ancien propriétaire.
Sous l´influence du cosmos d´Athéna, le trou se résorba et la coiffe fut vite comme neuve, brillant de mille feux entre les mains de la Déesse.

« Austrinus, viens à moi. »
L´assistance se figea.
Le choc s´affichait sur tous les visages.
« Austrinus, viens donc a moi. »

Tous les yeux se tournèrent vers l´ainé du groupe : le chevalier de Bronze du Poisson Austral.
Celui qui n´avait reculé devant aucun danger pendant la guerre était clairement en proie à l´incrédulité.
« Majesté… je ne suis qu´un simple chevalier de bronze… »

« Et donc le moins bien placé pour contester mes décisions. » répondit la déesse.

L´homme s´avança et Athéna plaça le casque sur sa tête. Elle posa une longue tunique sur ses épaules et ferma les boutons un à un jusqu´à devoir s´agenouiller devant l´homme.

Telle était la tradition. Le seul homme devant lequel la Déesse s´agenouillerait jamais était celui qu´elle plaçait ainsi au dessus de tous les autres. Le nouveau Pope. Le seul maitre des chevaliers en dehors d´Athéna.

Celle-ci se releva, sourit une dernière fois et disparut, tout simplement.

Seul le bandage imbibé de sang resta et fut emporté par le vent.
Le chevalier d´argent d´Orion l´attrapa au vol.
Réalisant qu´il avait dans sa main la seule trace palpable de sa Déesse, il enroula le bandage autour de sa ceinture, en faisant de fait son talisman personnel.

Personne ne parla pendant ce qui sembla une éternité…

Le soleil au dessus d´eux semblait briller toujours plus fort. Trop fort.
Tous relevèrent la tête pour apercevoir un être de lumière planer au dessus du Pope.

Athéna n´en n’avait pas encore fini avec eux.

La douce voix résonnait dans leurs cranes
« Je vais maintenant léguer mes dernières instructions au nouveau Pope »
Une petite bourse en velours apparut dans la main de ce dernier.
« Prends bien soin de ce qu´il y a dedans. C´est la clé de tout. »
« Quant au reste, il ne m´est pas possible de le transmettre avec des mots… »
La main du fantôme pénétra littéralement le crâne du Pope.
« Adieu chevaliers de l´espoir.»
Une explosion de lumière les aveugla.

Quand ils retrouvèrent la vue, il ne restait que la forme totem de l´armure d´Athéna.
Ce fut leur cœur plus que leurs yeux qui leur firent comprendre :
La Déesse avait quitté ce monde.
Comprenant qu´il ne la reverraient jamais, un terrible sentiment de solitude s´empara d´eux.
Malgré leur expérience au combat et leur courage, beaucoup étaient encore bien jeunes et n´avaient jamais vécu sans la déesse à leurs côtés…
Si les ainés parvinrent à retenir leurs larmes, ce ne fut pas le cas des autres.

La voix amplifiée par son masque, le Pope déclara :
« Enterrons nos camarades. Creusons leurs tombes, qu´ils puissent gouter au repos eternel. »

Le chevalier du Bélier, jusqu´ici insensible aux événements, se tendit d´un coup.
Le grognement guttural qu´il émit fit prendre conscience au groupe qu´il était observé par un nouvel arrivant.

« C´est cela ! Creusez ! Ainsi vos propres tombes seront déjà prêtes, ah ah ah ! »

Tous se tournèrent vers celle dont la voix résonnait comme mille.
Eris, la déesse de la discorde les toisait du haut de la colline.

« Battez-vous chevaliers ! Venez perdre la vie sous mes coups. Et pour ceux qui refuseront de mourir trop vite, je ressusciterai leurs illustres prédécesseurs afin qu´il finissent le travail à ma place. »
Ses yeux trahirent la rancœur et la haine ressassées plusieurs siècles durant dans sa prison de pierre.
« Voyons combien de temps trois chevaliers d´or, cinq chevaliers d´argent et onze chevaliers de bronze peuvent tenir face à mes armées»

Le chevalier du Bélier poussa un cri si bestial qu´Eris elle-même en fut surprise.
Il se prépara à charger la Déesse, lançant ainsi le signal de l´assaut.

Eris se reprit, éprouvant un plaisir visible à l´idée d´un carnage général.
Elle concentra son cosmos afin de réveiller les morts tout autour du globe.
Les chevaliers qui n´était pas près pour le combat s´empressèrent de revêtir leurs armures sacrées.
Le Pope s´avança au devant des troupes, Nike dans la main droite. Il leva le bras, comme pour lancer l´assaut.
A la surprise générale, il se retourna vers ses troupes.

« Nous ne nous battrons pas »

« Grand Pope ?! » interrogea le chevalier d´or de la Vierge.

« J´ai dit que nous ne nous battrons pas », répéta le Pope en calmant Victor d´une simple main sur l´épaule.

Le chef des chevaliers avança jusqu´au sommet de la colline et tendit le sceptre à Eris.

« Nous ne nous battrons pas contre la protectrice de la Terre. Nous la servirons »

Eris elle-même crut mal comprendre.
Certains chevaliers commencèrent à s´exclamer, mais ce qui se passa ensuite les fit taire pour de bon: l´armure d´Athéna avait entièrement recouvert Eris.
Le Pope se retourna vers ses troupes et fit un signe de la main.
Un signe sans aucune ambigüité.

Tous les chevaliers se rappelèrent le serment fait à leur déesse et s´agenouillèrent devant leur nouvelle maîtresse.
A sa propre stupéfaction, Eris régnait désormais sans aucune restriction sur ses ennemis millénaires et la planète Terre…

The Black War - Prologue


Le parchemin tomba de la stèle ou il se tenait depuis plus de deux siècles.
Et le cadavre qui était enterré sous cette même stèle commit l´impensable :
Il frémit.
Quelques minutes après, il se débattait frénétiquement dans sa prison, soumettant le cercueil de pierre à des coups toujours plus puissants.
Et celui qui ne devrait même pas vivre brisa le mur supérieur de sa prison, laissant le sol au dessus s´y engouffrer d´un coup.
Les gesticulations du cadavre s´arrêtèrent net, comme si la mort l´avait rattrapé.
Mais la vérité était autre : l´odeur fétide de la terre avait pour le prisonnier une odeur merveilleuse. Celle de la liberté.
Plongeant ses bras recouverts de bracelets précieux dans la terre, il se mit à creuser, encore et encore.

***

Le cadavre surgit du sol et inspira un grand coup. L´air lui brula les poumons mais il ne s´en formalisa pas.
C´était la preuve que ces derniers fonctionnaient de nouveau.
Tout comme ses yeux.
La tombe était placée au centre d´une clairière entièrement fermée. Même la lumière de la lune ne parvenait que difficilement à se faufiler a travers du toit de branches.
La forme de la végétation avait quelque chose de complètement malsain.
Comme si elle souffrait d´avoir poussé autour de ce cercueil.
Des épines recouvraient en quantités invraisemblables les troncs et les branches, soit pour empêcher quiconque de trouver la clairière, soit pour se protéger de celle qui venait de se libérer.

Car la peau qui recouvrait maintenant l´ancien prisonnier, ainsi que ses formes ne laissaient plus de doute possible sur son genre : c´était une femme.
Et la cruauté qui baignait son regard offrait un contraste dérangeant avec son extraordinaire beauté.
Enivrée par sa liberté retrouvée, Eris se mit à rire sans plus pouvoir s´arrêter…